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La sagesse africaine ancestrale au secours d’une communauté en crise : Cas sud-africain

Cet article revisite le processus de Réconciliation qui a eu lieu en Afrique du Sud à la suite du régime de l’Apartheid. Il met en exergue l’implication d’hommes d’église à l’instar de Monseigneur Desmond Tutu.

Cette Commission, dirigée par l’intermédiaire de l’Archevêque anglican Monseigneur Desmond Tutu, était composée de diverses sous-commissions qui devaient s’éclairer les unes et les autres tellement les matières à traiter étaient complexes. Selon l’analyse développée par le professeur Félix Mutombo-Mukendi dans son ouvrage « La théologie politique africaine », le cas sud-africain est riche en enseignements dans la manière dont les parties prenantes sont parvenues à exploiter ingénieusement la Cosmogonie traditionnelle africaine en matière de crise au sein de la Communauté humaine.

Du passé à l’avenir de l’Ubuntu

On y relève entre autres l’apport de la palabre africaine dans sa particularité originelle qui est de rechercher la réconciliation, l’harmonie, la paix. La Commission Vérité et Réconciliation, cherchant à rétablir ce qui était cassé dans la Communauté humaine sud-africaine a compris que sa tâche était de « construire un pont entre le passé du crime et l’avenir de l’Ubuntu ». La Commission n’a pas opté essentiellement pour une justice rétributive occidentale, celle de la loi du talion. Au contraire, sans minimiser les torts contre l’homme, cette Commission a privilégié la restauration de l’harmonie, de la paix, de la joie dans la réconciliation des parties opposées. Les témoignages recueillis indiquent que la Commission a appliqué les différentes étapes de la sagesse africaine ayant pour finalité la vie commune des anciens ennemis.

Entre le temps des pleurs, des blessures, et celui de la nouveauté démocratique, il a fallu pour tout un peuple ouvrir le lourd livre du passé pour envisager le futur ensemble. Certains voulaient que tous les anciens chefs blancs soient mis en prison. Mais leur jugement aurait pris 20 ans. 20 ans d’attente de la réconciliation ! Et si on emprisonnait tous les leaders de l’une des parties en présence, on en ferait des martyrs. D’autres réclamaient l’application immédiate de la loi du talion ! Descendre dans des zones habitées par les blancs, en massacrer quelques-uns et dire aux survivants d’aller vers les victimes d’hier (les Noirs) pour leur dire d’entrer avec eux dans la Nouveauté de vie. D’autres encore suggéraient tout simplement d’aller vers les victimes d’hier pour leur taper dans le dos et leur dire d’oublier le passé afin d’entrer dans cette Nouveauté de vie qui s’imposait à tous. Comme on le constate, il ne se présentait pas une seule et unique voie éthique comme solution de crise. C’est ainsi que la Commission Vérité et Réconciliation a été préférée à toutes les autres possibilités parce que tous aspiraient à l’harmonie, à la paix et à la justice !

Trois comités furent mis sur pied au sein de la Commission : le Comité des Droits de l’homme, le Comité de la réparation et la réhabilitation et le Comité de l’amnistie des criminels. Ces comités effectuèrent le travail pendant 6 ans, gérant un déluge de plaintes révélant des traumatismes indescriptibles ! Divers types de réparations furent adoptés : réparation symbolique (enterrement d’une main coupée, sépulcre digne et convenable de certaines dépouilles…). Il y eut aussi l’effacement de casiers judiciaires de certains coupables ; la réparation communautaire ; la réparation institutionnelle (écoles, universités, médias, système médical…). Quant à l’amnistie, elle fut accordée autant aux membres du Conseil national de sécurité, qu’aux policiers, militaires qui en ont fait la demande. Sur les 7000 demandes, la moitié venait des membres de l’ANC et des autres Mouvements de libération. Différents types d’amnistie étaient proposés en fonction des crimes commis.

Le rôle de l’homme de Dieu

Tout au long du processus, Monseigneur Desmond Tutu reçu de nombreux témoignages poignants et douloureux. A l’écoute de certains témoignages, l’émotion était à son comble et il pleurait avec les victimes. A d’autres moment, il manifestait sa reconnaissance à Dieu lorsque des victimes acceptaient d’accorder leur pardon à leurs bourreaux. Cela dénote une réelle consécration des hommes de Dieu dans leur rôle d’intermédiaires et d’une disponibilité autant envers les victimes que les criminels repentants. Ces hommes de Dieu ont-ils trouvé toute la Vérité ? Ont-ils réalisé la réconciliation ? Force est de constater qu’ils on conduit leur peuple sur le chemin de la Réconciliation. Il leur fallait l’aide des serviteurs de Dieu pour avancer sur la voie de la repentance et du pardon.

Il ne faut pas que les pasteurs-politiciens et les abbés-corrupteurs galvaudent cette notion si fondamentale de la foi chrétienne et de la tradition africaine appelée RECONCILIATION. Et pour cela quelques conditions sont requises pour l’atteindre:

    • Il faut savoir de quoi on parle et ce qu’on entend par Réconciliation

    • Vérité et Réconciliation vont ensemble (on ne peut réconcilier quand on lie la vérité)

    • Réconciliation et Justice sont les 2 faces d’une seule pièce de monnaie

    • La procédure de la repentance et du pardon nécessite l’aide des serviteurs consacrés

    • Le chemin de la réconciliation nécessite un leadership fort

Etant donné que l’Occident se préoccupait autant de l’avenir de la minorité blanche sud-africaine que de ses intérêts industriels, financiers et commerciaux, la nébuleuse politico-mafieuse appelée « Communauté internationale » a privilégié et encouragé la solution africaine de la situation postapartheid. Aucune puissance mondiale n’a demandé que les criminels soient traduits en justice, ni créé une Cour Internationale de Justice. Le monde entier a applaudi l’approche africaine héritée du « vivre ensemble dans la dignité humaine », de « l’Ubuntu » de la Cosmogonie ancestrale.

La fin réussie d’une palabre à l’africaine est la communion des parties jadis rendues ennemies par la crise. Alexandre Nana explique:

Ayant ainsi préparé les cœurs à accepter le verdict sans réplique, le vénérable sage prononce la sentence et impose au coupable le sacrifice à faire pour la partie lésée. L’acte sacrificiel est en fait une demande sincère de pardon concrétisée par l’offrande d’un objet de valeur : poulet, chèvre, mouton, etc…Il revient à la partie lésée le devoir impératif de pardonner. Les liens de parenté ou d’amitié sont rétablis. « La communication surmonte la violence par la réintégration du coupable dans la communauté. Elle (l’intégration du coupable) assure une justice réelle qui va au-delà du juridique, de la lettre du droit, pour s’épanouir en amour ». L’harmonie renaît, et avec elle, la vie communautaire florissante…Quelque chose d’admirable se passe dans la phase parlée de la palabre : la détermination inflexible de retrouver l’harmonie, la cohésion, la communion, ces sources de vie perdues dans l’embrouillamini des mesquineries intoxicantes de la haine empoisonnante. En cela, la palabre africaine se conçoit comme la manifestation concrète de la Vie sur la Mort. Et ce triomphe de la Vie sur la Mort (qui fait que les morts ne sont pas morts, mais qu’ils sont seulement partis) marque ici-bas le commencement de la Vie de l’au-delà.

C’est ainsi que le religieux, à travers les voies obliques tracées par la sagesse ancestrale, accomplit son office d’intermédiaire en faveur de tous, du politique compris.

Cet article constitue une synthèse tirée du livre “Théologie Politique Africaine” écrit par le Dr. Félix Mutombo-Mukendi.

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