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Karl Barth, le théologien engagé

La théologie politique doit rendre possible, à l’intérieur de l’Eglise comme dans la société, le passage d’une liberté incantatoire à une liberté réelle, à une liberté toujours à gagner et toujours à défendre, à une culture de la liberté qui sera toujours un processus éclairé par l’Amour du Dieu qui a envoyé le Fils pour que la liberté humaine soit enfin effective.

Karl Barth est considéré comme un bâtisseur de cathédrale, tellement son œuvre dogmatique est monumentale avec près de 10 000 pages ! Mais il n’est pas que cet immense dogmaticien de la théologie chrétienne. Il est de ces théologiens emblématiques dont l’exemple de son engagement politique ne peut être tu. Karl Barth est né le 10 mai 1886 à Bâle en Suisse. Il étudie la théologie avec passion dans de grandes universités allemandes, de Berlin, à Tübingen en passant par Marbourg. Il connaît pour maîtres, Kant dans la pensée philosophique, Harnack et Schleiermarcher dans le modèle de la théologie libérale. En 1911, il devient pasteur à Sawenfil, au nord de la Suisse. C’est au contact de ses paroissiens que son engagement politique se développe. Barth se demande : « Comment est-il possible de prêcher quand on a d’un côté le journal et de l’autre le Nouveau Testament ? ». En effet, pour Barth, le Nouveau Testament, et notamment dans l’Epître aux Romains, présente un Dieu transcendant, le tout autre, qui met en crise et en jugement l’homme et le monde. Alors que lorsqu’il ouvre son journal, celui-ci présente le monde tel qu’il est et la société telle qu’elle est, à savoir : dominés par le national-socialisme hitlérien et sa pseudo-religion. Il intègre le parti socialiste suisse, milite aux côtés des ouvriers de sa ville et participe à la fondation de trois sections syndicales.

Bouleversé de voir nombre de ses professeurs soutenir l’expansionnisme allemand, Barth va voir ainsi s’effondrer ses certitudes dans la théologie libérale qu’on lui a enseignée et va prendre ses distances avec le socialisme chrétien. Il déplore les dérives théologiques et une prédication de l’Eglise simpliste qui justifient un nationalisme belliqueux dans un conflit dont les enjeux sont douteux. Face à ce constat, Barth éprouve le besoin de revenir aux fondements de base de la théologie. De ses réflexions et méditations va naître sa première œuvre majeure, à savoir, « Der Römerbrief », ses commentaires de l’Epître aux Romains qui sont publiés en 1919 et 1922. Au travers de ses commentaires, il appelle l’Eglise à une vigilance critique contre toutes les fausses certitudes qui se sont ancrées, comme celle du progrès des sciences et de la technologie qui attesterait de la bénédiction de Dieu. Son ouvrage interpelle et suscite de l’intérêt au-delà de l’Eglise réformée.

Considéré comme maître de la théologie dialectique, Barth est nommé professeur à l’université de Göttingen en 1921, et plus tard à Münster puis à Bonn. Sa théologie évolue vers un christocentrisme de plus en plus affirmé. En 1932, il publie le 1er volume de son œuvre monumental « Kirchliche Dogmatik » ou « Dogmatique » en français. Il y consacre toute sa vie en rédigeant 5 volumes, dont le dernier restera inachevé.

Néanmoins, tout ce travail de réflexion ne l’éloigne pas des préoccupations sociales de son temps. En 1933, une alliance pastorale se met en place pour résister à la mainmise de l’Etat nazi sur l’administration des Eglises protestantes allemandes. Une des initiatives de cette alliance est de s’opposer à l’application du « principe aryen » dans l’Eglise qui vise à interdire l’exercice du ministère à tout pasteur qui aurait une ascendance juive. Le développement de cette initiative aboutit à l’organisation de plusieurs synodes libres regroupant des pasteurs et paroisses refusant de céder aux revendications idéologiques du nazisme. C’est dans ce contexte que Karl Barth, à l’origine de l’Eglise confessante d’Allemagne, rédige la Déclaration du synode de Barmen qui eut lieu en mai 1934. Il y rappelle que : Jésus-Christ, tel qu’il nous est attesté dans l’Ecriture sainte est la seule Parole de Dieu que nous ayons à écouter, à laquelle nous ayons à nous confier et à obéir dans la vie et dans la mort ». À la suite de cela, il est renvoyé de l’Allemagne en 1935 et s’établit dans sa ville natale de Bâle en Suisse. Son engagement politique est sans compromis : il soutient la résistance au système hitlérien, mais il demande la miséricorde après la victoire des Alliés. Il refuse de condamner le communisme parce que, pour lui, entre l’Est et l’Ouest, l’Eglise doit être autre chose.

Barth a constamment la préoccupation de prêcher l’Evangile en relation avec les événements du moment, en situation politique ; car, pour lui, il doit y avoir réciprocité entre l’engagement sociopolitique et l’approfondissement biblique ; l’un éclaire l’autre dans la confession du Dieu unique ; si bien que Barth pouvait répondre aux organisateurs d’un grand rassemblement intégriste allemand en 1966 :

Etes-vous prêts à organiser un mouvement et à prévoir un meeting semblable contre l’armement atomique éventuel de l’Allemagne de l’Ouest, contre la guerre au Vietnam et la façon dont elle est menée par les Américains alliés de l’Allemagne de l’Ouest, contre les manifestations violentes et incessantes de l’antisémitisme méchant avec ses violations de tombes en Allemagne de l’Ouest, pour un traité de paix entre l’Allemagne de l’Ouest et les Etats de l’Europe de l’Est, avec reconnaissance des frontières établies en 1945 ? Si votre confession juste du Christ mort et ressuscité pour nous, tel que la Sainte Écriture en témoigne, inclut ceci et l’exprime, alors c’est une confession bonne et précieuse qui portera ses fruits ; si elle ne l’inclut et ne l’exprime pas, elle n’est pas bonne malgré sa justesse, elle est au contraire une confession morte, bon marché, qui coule des moucherons et avale des chameaux comme les pharisiens du temps de Jésus.

Jusqu’à la dernière année de sa vie en 1968, Barth a soutenu sa pensée dogmatique du Christ « à la fois le commencement, le centre et la fin » ainsi que la ferme réciprocité entre l’engagement sociopolitique et l’approfondissement théologique : Le dernier mot que j’ai à dire, en tant que théologien comme en tant que politicien…c’est un nom : Jésus-Christ

Références

Mutombo-Mukendi F., La Théologie politique africaine, Exégèse et Histoire, (Paris, L’Harmattan, 2011)

Neusch M. et Chenu B., Au pays de la théologie. A la découverte des hommes et des courants, ( Le Centurion, 1979)

Emission “La Foi prise au Mot: Karl Barth” du 16/06/2019, réalisée par KTO TV

www.muséeprotestant.org : Déclaration théologique du synode confessionnel de Barmen (31 mai 1934)

www.muséeprotestant.org: Karl Barth (1886-1968), biographie détaillée

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