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Dietrich Bonhoeffer : Entre Résistance et Radicalité de la Grâce

Dietrich Bonhoeffer était un théologien luthérien et un pasteur allemand qui a laissé un héritage significatif dans l’histoire en tant que figure de résistance contre le régime nazi. Né le 4 février 1906 à Breslau, en Allemagne, Bonhoeffer était issu d’une famille bourgeoise et peu portée sur les questions religieuses. Très tôt, il a montré des inclinations vers la théologie, ce qui l’a conduit à poursuivre des études en théologie à l’Université de Tübingen, l’Université de Berlin et l’Université de New York.

Bonhoeffer est devenu un penseur théologique prolifique, produisant des œuvres influentes telles que « Vivre en disciple – Le Prix de la Grâce » et « Ethique », qui ont façonné sa réflexion sur le christianisme et la responsabilité morale. Mais son engagement n’était pas limité à la théorie théologique ; il a également été profondément impliqué dans la vie de l’Église en Allemagne et dans les questions sociales et politiques de son temps.

Engagement contre le nazisme

L’une des contributions les plus marquantes de Bonhoeffer à la résistance contre le régime nazi a été son rôle dans le mouvement de l’Église confessante. Face à la montée du national-socialisme et à son influence croissante sur l’Église allemande, Bonhoeffer s’engage activement dans la résistance théologique. En 1934, il co-rédige, aux côtés de Karl Barth et d’autres théologiens protestants allemands, la Déclaration de Barmen. Ce texte fondateur de l’Église confessante rejette fermement l’ingérence nazie dans les affaires religieuses et réaffirme les principes théologiques fondamentaux de l’Église.

Mais Bonhoeffer est allé encore plus loin dans sa lutte contre le nazisme. Convaincu que l’Église devait agir de manière concrète contre l’injustice, il a rejoint des mouvements de résistance civile. Bonhoeffer a été impliqué dans des activités visant à aider les Juifs persécutés, à fournir une assistance aux opposants politiques du régime et à recueillir des renseignements pour la résistance. Il affirme ainsi que « l’Église n’est réellement Église, que quand elle existe pour ceux qui n’en font pas partie ». Son engagement envers ces actions a atteint son apogée avec son implication dans un complot visant à assassiner Adolf Hitler.
Malheureusement, le complot a échoué, et Bonhoeffer est arrêté par la Gestapo en 1943. Il a passé les deux dernières années de sa vie en détention, où il a continué à témoigner de sa foi et de ses convictions jusqu’à son exécution par pendaison le 9 avril 1945, juste quelques semaines avant la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le legs de Bonhoeffer en tant que figure de résistance contre le nazisme et en tant que théologien engagé résonne encore aujourd’hui. Son exemple illustre la possibilité pour les chrétiens de jouer un rôle actif et significatif dans la sphère politique, en se tenant fermement du côté de la justice, de la compassion et de la vérité, même dans les moments les plus sombres de l’histoire. Bonhoeffer incarne ainsi l’idée que la foi et l’action politique peuvent être intrinsèquement liées, et que les principes éthiques et moraux fondamentaux peuvent guider l’engagement politique d’une manière qui honore les valeurs chrétiennes de paix, d’amour et de justice.

La Grâce qui coûte

Dans son ouvrage « Vivre en disciple – Le prix de la Grâce », Bonhoeffer explore la notion complexe de la grâce véritable qu’il appelle la « grâce qui coûte », en la distinguant de la « grâce à bon marché » qui a souvent déformé le message de l’Évangile. 

Il dénonce la “grâce à bon marché”, en la qualifiant d’ennemi mortelle à l’Eglise lorsque celle-ci promet le salut sans exiger de repentance ni de changement de vie. Cette grâce trompeuse encourage la complaisance dans le péché et détourne les croyants de la véritable transformation que Dieu désire opérer en eux : « La grâce à bon marché, c’est la grâce envisagée comme doctrine, principe, système ; c’est le pardon des péchés considéré comme une vérité universelle ; c’est l’amour de Dieu pris comme idée chrétienne de Dieu. L’affirmer, c’est déjà posséder le pardon de ses péchés. L’Eglise de cette doctrine de la grâce est d’ores et déjà, par elle, participante de la grâce. Dans cette Eglise, le monde trouve, à bon marché, un voile pour couvrir ses péchés, dont il ne se repent pas et dont, a fortiori, il ne désire pas être libéré. De ce fait, la grâce à bon marché est la négation de la Parole vivante de Dieu, la négation de l’incarnation de la Parole de Dieu ».

Afin de mieux cerner la notion de “grâce qui coûte”, Bonhoeffer nous convie à suivre les traces de Martin Luther durant la Réforme. Animé par une profonde aspiration à une existence pieuse et méritoire, Luther s’est engagé sur la voie monacale. Cependant, il a dû faire face à la réalité du péché et à l’impossibilité de se sauver par ses propres œuvres. C’est dans cette détresse existentielle qu’il a découvert la grâce libératrice de Dieu en Jésus-Christ. Mais cette grâce qu’il découvrit lui coûta cher comme le rappelle Bonhoeffer : « La grâce qui s’offrit à lui coûtait cher, elle brisa toute son existence. Il lui fallut, une fois de plus, abandonner ses filets et suivre. La première fois, lorsqu’il entra au couvent, il avait tout laissé derrière lui, excepté lui-même, son « moi » pieux. Cette fois, cela aussi lui fut retiré. Il ne se guidait plus selon son propre mérite, mais selon la grâce de Dieu ».

Pour Bonhoeffer, la grâce de Luther n’était pas une simple absolution des péchés, mais une transformation radicale de l’être. Cette grâce “coûteuse” exigeait un renoncement à soi et une obéissance totale au Christ. Elle impliquait une vie de disciple, vécue dans le monde mais non du monde, en opposition totale aux valeurs et aux pratiques mondaines.

Bonhoeffer déplore que la Réforme ait mal interprété la découverte de Luther sur la grâce, ce qui a conduit à de graves conséquences. L’accent a été mis sur le pardon des péchés plutôt que sur la vie à la suite de Jésus Christ. Cela a conduit à une compréhension de la grâce comme un moyen d’échapper aux conséquences du péché sans changer de vie. Cette mauvaise compréhension de la grâce a affaibli le message de la Réforme et a conduit à des compromis affligeants avec le monde. Il ira jusqu’à dire : « La parole de la grâce à bon marché a terrassé plus de chrétiens qu’aucun commandement des œuvres. »

Qu’en est-il de son message aujourd’hui ?

Le message de Dietrich Bonhoeffer sur la grâce résonne toujours aujourd’hui, bien que les horreurs du nazisme soient derrière nous. Son appel à une compréhension profonde et engageante de la grâce de Dieu reste d’une pertinence cruciale dans notre société contemporaine.

Dans un monde marqué par une culture de complaisance et d’indifférence, où la foi peut souvent être reléguée à une affaire privée ou ritualisée, Bonhoeffer nous rappelle la radicalité de l’Évangile. Il nous invite à vivre notre foi de manière authentique et incarnée, à nous engager activement dans la transformation du monde autour de nous.

La grâce de Dieu, selon Bonhoeffer, n’est pas une simple absolution des péchés, mais une invitation à une vie de disciple. C’est une grâce qui “coûte cher”, qui exige un renoncement à soi et une obéissance totale au Christ. Elle nous appelle à nous lever contre l’injustice, à défendre les opprimés et à être des voix pour ceux qui sont privés de droits et de dignité.

Bien que les contextes historiques puissent différer, le message fondamental de Bonhoeffer sur la grâce demeure pertinent et inspirant pour les chrétiens d’aujourd’hui. Il appelle les chrétiens à vivre une foi profonde et authentique, à s’engager dans la lutte pour la justice et la vérité, et à ce qu’ils soient des témoins vivants de l’amour du Christ dans un monde qui a désespérément besoin de lumière et d’espoir.

(1) L’Église Confessante (en allemand : Bekennende Kirche) représente un mouvement au sein des églises protestantes en Allemagne. Il s’oppose activement au nazisme et à l’établissement d’une Église protestante sous le régime du Reich durant la période nazie.

(2) La déclaration de Barmen est une déclaration théologique œcuménique publiée par plusieurs tendances du protestantisme allemand lors du premier synode confessionnel du 29 au 31 mai 1934 qui s’est tenu à Wuppertal-Barmen. C’est l’acte fondateur de l’Église confessante, opposée au mouvement nazi des Deutsche Christen (chrétiens allemands) qui ont pris le contrôle de l’Église protestante du Reich. C’est un texte de résistance à une théologie moderne et immanente et au paganisme du national-socialisme.

(3) La citation ‘l’Église n’est réellement Église que quand elle existe pour ceux qui n’en font pas partie’ est attribuée à Dietrich Bonhoeffer selon la page Wikipédia en français. Cependant, aucune source spécifique n’est référencée pour cette citation.

(4) Dietrich Bonhoeffer, Vivre en disciple – Le prix de la Grâce (Paris: Labor et Fides, 2010), 23.

(5) Dietrich Bonhoeffer, Vivre en disciple – Le prix de la Grâce (Paris: Labor et Fides, 2010), 23.

(6) Dietrich Bonhoeffer, Vivre en disciple – Le prix de la Grâce (Paris: Labor et Fides, 2010), 24.

(7) Dietrich Bonhoeffer, Vivre en disciple – Le prix de la Grâce (Paris: Labor et Fides, 2010), 25.

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