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Kimpa Vita, figure emblématique de la théologie politique africaine

La théologie africaine n’a pas commencé avec le premier Africain diplômé en théologie : la théologie africaine a pris naissance dès qu’un Africain s’est converti au christianisme ! Parce que ce « converti » a dû répondre à la question de savoir comment vivre sa foi en Christ avec tout son propre arrière-plan culturel, social et politique. Par conséquent, la théologie politique en Afrique se dessinait assez nettement dans l’engagement et la réflexion théologique des Africains depuis plusieurs siècles. Ce n’est pas le sud-africain Allan Boesack, mais plutôt Kimpa Vita qui est initiatrice de la « Black theology »1, ou même ce qu’on appellera « théologie d’inculturation »2, etc. !

Née vers 1682 d’une famille de la noblesse Kongo, Kimpa Vita est baptisée du nom de Dona Béatrice, à l’époque où une grande partie de la population est convertie au catholicisme. Dès sa jeunesse, elle est reconnue comme « nganga marinda », intermédiaire entre les hommes et le monde des esprits. Elle grandit à une époque où le royaume est exténué par les négriers portugais et ravagé par des guerres intestines entre différentes factions du royaume.

C’est en 1704, alors âgée d’environ 22 ans que Kimpa Vita lance sa mission de réveil spirituel et politique, qui trouve un écho plus que favorable auprès des Kongolais. Alors que San Salvador, la capitale du Royaume est désertée par les notables locaux, Kimpa Vita parcourt les villages menant à la capitale. Partout où elle passe, elle reçoit un accueil enthousiaste, et raconte avec gravité le miracle qui l’a désignée pour relever son peuple :

« J’étais malade et près de mourir. Un soir, grelottante des fièvres qui allaient m’emporter, j’ai vu apparaître en songe un frère habillé comme un moine. Il m’a dit être Saint-Antoine, envoyé par Dieu dans ma tête pour m’exhorter à prêcher et à enseigner au peuple d’aller de l’avant. Puis, sans savoir comment, j’ai eu un grand soulagement et je me suis sentie revivre. J’ai appelé mes parents pour leur expliquer le commandement divin. Puis j’ai distribué toutes mes richesses pour montrer que je renonçais aux choses de ce monde et je me suis mise en route pour accomplir mon devoir. Jamais je n’avais ainsi parlé face à des inconnus et aujourd’hui vous prêtez attention à mon message et me suivez avec confiance ! » (Sylvia SERBIN, 2004)

Pratiquant une profonde dévotion à Saint Antoine de Padoue, elle reprend son nom de baptême Dona Béatrice et désigne ses adhérents comme « le peuple élu de Dieu ». Elle appelle le peuple et les notables, en commençant par le roi Pedro IV, à revenir dans la ville sainte, la capitale du Royaume. Malgré une forte opposition des missionnaires occidentaux qui entourent le roi, celui-ci décide néanmoins de la rencontrer et il est touché par son message. Cet engouement autour de la jeune prophétesse, encourage le peuple à revenir vers la capitale. Kimpa Vita décide d’envoyer ses disciples nommés « petits Antoine » porter son message à travers tout le royaume afin d’inciter les seigneurs des provinces à se rallier au mouvement de paix et de restauration du royaume. Son mouvement appelé antonien ou antonianiste connaît un succès non escompté. Des populations animistes y adhèrent en grand nombre ainsi que des clans aristocratiques qui se détournent de l’église catholique. En à peine 2 ans, Kimpa Vita pose les fondements d’une nouvelle église africanisée où se mélangent catholicisme et croyances traditionnelles, et où transcende la volonté d’un renouveau politique pour le pays.

Elle finit par constituer une sérieuse menace pour les représentants occidentaux de l’Eglise catholique, qui se considèrent comme les seuls intermédiaires entre Dieu et les hommes. Sous l’instigation de ces missionnaires, le roi Pedro IV fait arrêter Kimpa Vita. Accusée d’hérésie, elle périt sur le bûcher en 1706.

En dépit de la persécution, la pensée de Kimpa Vita va demeurer dans la population. Le mouvement antonianiste, bien que combattu par les missionnaires catholiques, survivra jusqu’au 19ème siècle.

Références

1 Black theology ou la théologie de la libération noire se réfère à une approche théologique développée à l’origine par les théologiens et universitaires afro-américains, et dans certaines églises noires aux Etats-Unis. Elle s’est développée par la suite dans d’autres parties du monde soumises à la ségrégation raciale dans un passé récent comme l’Afrique du Sud. Elle tente d’aider les personnes d’ascendance africaine de ces sociétés à surmonter leur sentiment d’oppression en contextualisant la théologie chrétienne par rapport aux injustices commises contre les noirs au cours de l’histoire et dans la période contemporaine. Cette école de pensée se rattache au mouvement plus général de la théologie de la libération avec lequel elle partage l’objectif de rendre dignité et espoir aux pauvres et aux exclus en les libérant de leurs conditions de vie intolérables. La théologie de la libération noire cherche en effet à libérer les personnes non-blanches de plusieurs formes de domination et d’assujettissement (politique, sociale, économique et religieuse). Selon les mots de l’un des premiers partisans de cette théologie, le pasteur James H. Cone, il s’agit d’ “une étude rationnelle de l’être de Dieu dans le monde à la lumière de la situation existentielle d’une communauté opprimée, en établissant le lien entre les forces de libération et l’essence de l’Évangile, qui est Jésus-Christ”. La théologie de la libération noire associe donc le christianisme et les questions de droits civils, en particulier celles soulevées par le mouvement du Black Power et par le Mouvement de la Conscience Noire. De plus, cette théologie a ouvert la voie et a contribué à la discussion, puis à la conclusion que toute théologie est contextuelle, y compris la dogmatique. (Wikipédia)

2 Inculturation est un terme chrétien utilisé en missiologie pour désigner la manière d’adapter l’annonce de l’Évangile dans une culture donnée. Cette notion est proche, mais sensiblement différente, de l’acculturation en sociologie. En effet, l’acculturation concerne le contact et la relation entre deux cultures, tandis que l’inculturation concerne la rencontre de l’Évangile avec les différentes cultures. L’acculturation est un concept anthropologique et l’inculturation un concept théologique qui trouve son origine dès le 18ème siècle avec la querelle des rites qui avait interpellé les autorités catholiques sur la liturgie utilisée par les jésuites de la Chine. (Wikipédia)

Sources

Mutombo-Mukendi F., La Théologie politique africaine, Exégèse et Histoire, (Paris, L’Harmattan, 2011)

Serbin Sylvia, Reines d’Afrique et héroïnes de la diaspora noire, ( Paris, Editions Sépia 2004)

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